Une astrophysicienne du CRAQ découvre que les naines brunes vieillissent seules
Cette illustration montre une naine brune, un objet plus massif qu’une planète mais moins qu’une étoile. On sait que les naines brunes peuvent avoir des compagnons. Toutefois, ces paires d’astres semblent se séparer, selon une étude récente dirigée par une astronome de l’UdeM. Crédit : NASA, ESA, Joseph Olmsted (STScI).
Clémence Fontanive, membre du Centre de recherche en astrophysique du Québec et chercheuse à l‘Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal, a utilisé le télescope spatial Hubble de la NASA pour étudier certaines des naines brunes les plus froides et les moins massives du voisinage solaire.
Les naines brunes sont des objets interstellaires plus massifs que Jupiter mais moins massifs que les plus petites étoiles. Comme les étoiles, les naines brunes peuvent naître par paires et orbiter l’une autour de l’autre, dans ce qu’on appelle un système binaire. Dans un article publié dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, l’équipe rapporte qu’aucun compagnon n’a été trouvé autour des 33 naines brunes du voisinage solaire observées avec Hubble.
Le fait que ces naines brunes — relativement vieilles — n’aient pas de compagnon suggère que si certaines d’entre elles se sont formées par paires, elles se sont séparées au fil du temps.
« Notre étude confirme que les paires de naines brunes sont extrêmement rares parmi les naines brunes âgées de plus faible masse. Comme des naines brunes binaires sont observées à des âges plus jeunes, cela suggère que de tels systèmes ne survivent pas au fil du temps », a déclaré Clémence Fontanive.
Moins massif ? Moins de chance d’avoir un compagnon !
Plus de la moitié des étoiles de notre galaxie se trouvent dans des systèmes binaires. Les étoiles les plus massives sont généralement accompagnées d’une autre étoile.
« Il existe une tendance selon laquelle moins un astre est massif, moins il est susceptible d’avoir un compagnon. La motivation de cette étude était de voir si cette tendance est vraie pour les naines brunes les plus froides et de plus faible masse », explique Dr. Fontanive.
La très faible fréquence des paires de naines brunes déduite de cette étude est compatible avec l’hypothèque que la tendance s’étend jusqu’aux astres les moins massifs. Cela confirme aussi la théorie selon laquelle les naines brunes naissent de la même manière que les étoiles, par l’effondrement gravitationnel d’un nuage d’hydrogène moléculaire. Seule différence : leur masse n’est pas suffisante pour permettre la fusion nucléaire de l’hydrogène en vue de produire de l’énergie.
Des jeunes couples existent, mais les séparations sont fréquences
On sait que les mécanismes de formation stellaire produisent des naines brunes binaires, même parmi celles qui sont de faible masse. Dr. Fontanive a justement découvert un tel système en 2020 dans la jeune région de formation stellaire d’Ophiuchus. Les récents résultats de l’équipe apportent donc une preuve que ces systèmes binaires jeunes seront probablement perturbées et ont peu de chances de survivre à long terme.
Pourquoi? Dr Fontanive explique l’hypothèse la plus plausible :
« Lorsqu’elles sont jeunes, les étoiles et les naines brunes font partie de nuages moléculaires qui, en évoluant, se dispersent. À ce moment-là, les choses commencent à bouger et les astres passent relativement près les uns des autres. La force gravitationnelle qui lie les paires de naines brunes, plus légères que les étoiles, est très faible, d’autant plus si les compagnons sont éloignés. Les étoiles qui les approchent peuvent donc facilement séparer ces couples ».
Le télescope Hubble à la recherche de compagnons
Pour son étude avec le télescope spatial Hubble de la NASA, l’équipe a sélectionné un échantillon de naines brunes précédemment identifiées par un autre télescope spatial de la NASA, le Wide-Field Infrared Survey Explorer. L’échantillon se compose de 33 naines brunes parmi les plus proches et les plus froides, pour lesquelles on ne connaissait pas de compagnon.
Pour ces astres proches, Hubble peut détecter des binaires aussi rapprochées l’une de l’autre qu’une distance de 500 millions de kilomètres, soit la distance approximative entre notre Soleil et la ceinture d’astéroïdes.
Ces naines brunes sont si froides (quelques centaines de degrés de plus que Jupiter dans la plupart des cas) que leur atmosphère contient de la vapeur d’eau qui s’est condensée. Pour repérer les compagnons potentiels les plus froids, Clémence Fontanive et ses collègues ont utilisé deux filtres infrarouges différents, l’un dans lequel les naines brunes froides sont brillantes, et l’autre où elles le sont beaucoup moins, en raison de l’absorption de l’eau dans leur atmosphère.
« Nous n’aurions pas pu réaliser ce type d’étude sans la précision et la sensibilité de Hubble. Il est intéressant mais pas surprenant que nous n’ayons rien trouvé », déclare Dr. Fontanive. Cela confirme les modèles antérieurs en fournissant les meilleures preuves observationnelles à ce jour. »
Pour en savoir plus
L’article « An HST survey of 33 T8 to Y1 brown dwarfs: NIR photometry and multiplicity of the coldest isolated objects » a été publié le 22 septembre 2023 dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. En plus de Clémence Fontanive (iREx, UdeM, Canada), l’équipe comprend 7 co-auteurs de l’Italie, des États-Unis et du Royaume-Uni.
À propos du télescope spatial Hubble
Le télescope spatial Hubble fonctionne depuis plus de trente ans et continue de faire des découvertes révolutionnaires qui façonnent notre compréhension fondamentale de l’univers. Hubble est un projet de coopération internationale entre la NASA et l’ESA (Agence spatiale européenne). Le Goddard Space Flight Center de la NASA, situé à Greenbelt, dans le Maryland, gère le télescope. Il dirige également les opérations de la mission avec Lockheed Martin Space, basé à Denver, dans le Colorado. Le Space Telescope Science Institute de Baltimore, dans le Maryland, qui est géré par l’Association of Universities for Research in Astronomy, mène les opérations scientifiques de Hubble pour le compte de la NASA.
À propos du Centre de recherche en astrophysique du Québec
Le Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ) regroupe tous les astrophysiciens du Québec. Près de 150 personnes, dont une cinquantaine de chercheurs et leurs étudiants provenant de l’Université de Montréal, de McGill University, de l’Université Laval, de Bishop’s University, du Cégep de Sherbrooke, du Collège de Bois-de-Boulogne et de quelques autres établissements collaborateurs font partie du regroupement. Le CRAQ est sous la direction de David Lafrenière de l’Université de Montréal. Le CRAQ est un des regroupements stratégiques financés par Le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT).
Personnes-ressources pour les médias
Frédérique Baron
Responsable des relations avec les médias
Centre de recherche en astrophysique du Québec
frederique.baron@umontreal.ca
Contact scientifique
Clémence Fontanive
Stagiaire postdoctorale Trottier
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes
Université de Montréal
Centre de recherche en astrophysique du Québec
clemence.fontanive@umontreal.ca
Liens
L’article scientifique (Monthly Notices of the Royal Astronomical Society)
L’article scientifique (Version open source)
Communiqué de presse du Space Telescope Science Institute (NASA’ Hubble Telescope)
Communiqué de presse de l’Université de Montréal en français (anglais)