Les scientifiques résolvent le mystère des naines brunes variables

Les naines brunes sont trop massives pour être des planètes, et trop peu massives pour être des étoiles. En observant 6 naines brunes avec le Télescope spatial Spitzer, les astronomes ont réalisé que des bandes de nuages sont en rotation à différentes vitesses, ce qui explique les variations de la luminosité de ces objets. Crédit : NASA/JPL-Caltech

Les naines brunes sont des objets de faible luminosité plus massifs que les planètes géantes de notre Système solaire. Les scientifiques ont découvert que des nuages, composés de gouttelettes de fer et de poussières de silicate, couvrent de manière irrégulière la surface de ces objets, et que ces nuages géants peuvent changer étonnamment rapidement – en moins de vingt-quatre heures.

À l’aide d’observations obtenues avec le Spitzer Space Telescope de la NASA, une équipe internationale de scientifiques, menée par le professeur Daniel Apai de l’Université de l’Arizona à Tucson, et qui comprend le professeur Nicolas Cowan de l’Université McGill et le chercheur Étienne Artigau de l’Université de Montréal, tous deux membres du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ) et de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), propose un nouveau modèle pour expliquer comment les nuages des naines brunes se déplacent et évoluent aussi rapidement.

Leur recherche, publiée dans l’édition du 18 aout 2017 du journal Science, suggère que les nuages sont organisés dans des bandes confinées à différentes latitudes dans l’atmosphère des naines brunes, et que l’épaisseur des nuages change lorsque des ondes atmosphériques géantes se déplacent autour de la naine brune, telles d’immenses vagues.  Ces vagues se propagent dans l’atmosphère à différentes vitesses, entraînant les bandes de nuages à se déplacer aussi à différentes vitesses. Au fur et à mesure que la naine brune tourne sur elle-même, les nuages vont et viennent dans l’hémisphère qui nous fait face, provoquant des variations de sa brillance.

L’équipe du Professeur Apai a réalisé que dans l’ensemble, la distribution et les déplacements des nuages dans les naines brunes sont semblables à ceux observés sur Neptune et Uranus. Neptune montre aussi des ondes qui suivent des bandes, mais ses nuages sont faits de glace. De récentes observations de Neptune provenant de la mission K2 du télescope spatial Kepler de la NASA ont d’ailleurs joué un rôle important pour établir les similitudes entre cette planète et les naines brunes.

« Les naines brunes sont souvent décrites comme des “chaînons manquants” entre les planètes et les étoiles. La découverte selon laquelle la dynamique atmosphérique des naines brunes est semblable à celle des géantes gazeuses du système solaire accentue ce lien », affirme Mark Marley du Ames Research Centre de la NASA (Silicon Valley, Californie) et co-auteur de l’étude.

Les naines brunes peuvent être considérées comme des  “étoiles ratées”, car elles sont trop peu massives pour que des réactions de fusion nucléaire se produisent dans leur noyau. Elles peuvent également être considérées comme des “super planètes”, car, comme ces dernières, elles sont principalement constituées d’hydrogène et d’hélium et ont un diamètre similaire. Contrairement aux planètes, toutefois, elles ne font généralement pas partie d’un système planétaire. Leur lumière n’étant pas noyée par celle d’une étoile hôte, il est beaucoup plus facile de les étudier. Elles sont donc d’une aide précieuse afin de mieux comprendre les exoplanètes géantes dans des systèmes planétaires au-delà du nôtre.

« Il est probable que les grandes bandes et vagues atmosphériques que nous avons trouvées dans les naines brunes sont aussi fréquentes dans les exoplanètes géantes », déclare Apai.

L’équipe du professeur Apai a utilisé le Spitzer Space Telescope pour mesurer la luminosité de six naines brunes pendant environ un an et demi, cumulant ainsi des observations couvrant des dizaines de rotations complètes de ces objets. Parmi ces naines brunes se trouve SIMP 0136, la première pour laquelle une variabilité de la luminosité avait été observée, par Étienne Artigau et ses collaborateurs, en 2009. Ils ont ensuite analysé ces variations pour cartographier la répartition des nuages de silicate dans les naines brunes, une spécialité de Nicolas Cowan. C’est grâce à ces observations qu’ils ont pu constater que les changements de luminosité dans les naines brunes sont semblables à ceux observés pour Neptune et Uranus.

La vidéo suivante (en anglais) montre ce que les bandes nuageuses des naines brunes pourraient avoir l’air, et comment leur mouvement à différentes vitesses affectent la luminosité des naines brunes (Crédit: NASA/JPL-Caltech).

Ces résultats expliquent plusieurs comportements étranges dans les changements de luminosité des naines brunes qui avaient été observés précédemment. La prochaine étape pour les scientifiques consistera à explorer les processus qui génèrent les grandes vagues.

Plus d’information

L’article “Zones, Spots, and Planetary-Scale Waves Beating in Brown Dwarf Atmospheres” est publié dans Science. En plus de Daniel Apai (University of Arizona), Mark Marley (NASA Ames), Nicolas Cowan (McGill University, iREx) et Étienne Artigau (Université de Montréal, iREx), l’équipe comprend Theodora Karalidi (University of Arizona), Hao Yang (University of Arizona), Davin Flateau (University of Arizona, University of Cincinnati), Stanimir Metchev (University of Western Ontario, Stony Brook University), Esther Buenzli (ETH Zürich), Adam Burgasser (University of California, San Diego), Jacqueline Radigan (Utah Valley University) et Patrick Lowrance (Caltech).

JPL gère la mission Spitzer Space Telescope pour le Science Mission Directorate de la NASA à Washington. Les opérations scientifiques sont menées au Spitzer Science Centre de Caltech à Pasadena, en Californie. Les opérations de l’engin spatial se font de Lockheed Martin Space Systems Company, à Littleton, au Colorado. Les données sont archivées dans l’Infrared Science Archive, hébergées au Infrared Processing and Analysis Center de Caltech. Caltech gère JPL pour la NASA. Pour plus d’informations sur Spitzer, visitez: http://spitzer.caltech.edu

http://www.nasa.gov/spitzer

Contact

Nicolas Cowan
Institut de recherche sur les exoplanètes, McGill University
nicolas.cowan@mcgill.ca

Étienne Artigau
Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
artigau@astro.umontreal.ca

Source

Elizabeth Landau
Jet Propulsion Laboratory, Pasadena, Calif.
818-354-6425
elizabeth.landau@jpl.nasa.gov

Marie-Eve Naud
Institut de recherche sur les exoplanètes iREx, Université de Montréal
514-343-6111, x 7077
irex@astro.umontreal.ca

Robert Lamontagne
Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ), Université de Montréal
514-343-6111 x3195
lamont@astro.umontreal.ca

 

Liens

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