Une galaxie naine entièrement isolée affectée, de manière inattendue, par la pression du milieu intergalactique.

Carignan_2Les galaxies naines sont connues pour être des sondes presque parfaites de l’Univers primordial, en particulier lorsqu’elles sont isolées et n’interagissent pas avec des galaxies massives. Des observations avec le radiotélescope MeerKAT de WLM, un archétype d’une telle galaxie, ont révélé sa forte interaction avec le milieu intergalactique.

Une équipe internationale comprenant un chercheur du CRAQ a découvert que l’hydrogène gazeux neutre de la galaxie est éliminé par la pression dynamique causée par le mouvement de la galaxie à travers le milieu intergalactique, considéré comme une couche ténue de gaz résidant entre les galaxies. Comme l’a mentionné le professeur Claude Carignan, de l’Université de Montréal, et membre du CRAQ: « C’est la première fois qu’une interaction avec un milieu de si faible densité est découverte et cela révolutionne notre compréhension de l’évolution et de la formation des galaxies naines. »

L’équipe a conclu que soit ces régions intergalactiques considérées comme presque « vides » ne sont pas vraiment vides, soit que la galaxie WLM est déficiente en matière noire.

Les galaxies naines sont affectées par tous les processus évolutifs normalement à l’œuvre dans les galaxies de toute masse. En tant que galaxies plus faibles et moins massives, elles sont particulièrement sensibles aux mécanismes environnementaux provoqués par une galaxie géante proche, tels que les marées gravitationnelles ou la pression dynamique due au milieu gazeux environnant. Ces effets sont considérés comme les principales sources de différence entre les populations de galaxies naines « satellites » et « isolées ».

WLM a été découverte en 1909 par Max Wolf, puis confirmée par Knut Lundmark et Philibert Melotte (d’où le nom WLM). Elle se situe à plus de 900 kpc (le kiloparsec est une mesure de distance égale à 3 260 années-lumière) de la Voie lactée et de M31, et on pense qu’elle est l’archétype d’une galaxie naine isolée formée en isolement complet sans aucune perturbation externe. Ainsi, sa masse de matière noire est considérée comme solidement déterminée, jusqu’à 90 fois plus massive que sa matière baryonique, qui est constituée d’étoiles et de gaz.

WLM a récemment été observée par le radiotélescope nouvellement construit MeerKAT, qui est un précurseur du Square Kilometre Array (SKA) en Afrique du Sud. À partir des données très profondes, les scientifiques ont identifié quatre nuages de gaz d’hydrogène neutre (HI) étendus dans la direction nord-ouest de WLM, dans la direction opposée de son mouvement du ciel sur la base de données du satellite Gaia.

Roger Ianjamasimanana de l’Université de Rhodes en Afrique du Sud a expliqué :    « Les quatre nuages représentent 10 % de la masse HI totale de la galaxie. Nous avons également constaté qu’il existe un décalage spatial entre le gaz de WLM observé par MeerKAT et ses étoiles observées par le télescope Subaru, à Hawaii. »

En incluant les quatre nuages HI traînants, l’équipe de recherche a conclu que le gaz dans WLM est soumis à un vent fort provenant du milieu gazeux environnant traversé par la galaxie, qui expulse le gaz hors de la galaxie.

Carignan_1L’auteur principal Yanbin Yang de l’Observatoire de Paris et du CNRS France, a expliqué pourquoi cela est si surprenant : « Le milieu intergalactique dans lequel WLM réside est supposé être presque vide. Les scientifiques ont jusqu’à présent supposé que rien ne pouvait avoir cet effet sur une galaxie.

L’équipe a effectué des simulations informatiques pour étudier l’effet plus en détail. Yang a partagé : « Également dans nos simulations, nous avons constaté que les observations ne peuvent être expliquées que si le milieu intergalactique était beaucoup plus dense que prévu. Nous semblons avoir trouvé un très grand réservoir de matière inattendu dans la structure filamentaire de l’Univers.

Alternativement, la masse de WLM pourrait être beaucoup plus faible et peut-être sans matière noire pour expliquer comment un milieu à très faible densité est capable d’extraire le gaz de WLM via une pression dynamique. Mais ce serait révolutionnaire car, comme l’explique Claude Carignan de l’Université de Montréal, on pense que les galaxies sont dominées en masse par la mystérieuse matière sombre.

Indépendamment de la réponse exacte, cette étude révolutionne la compréhension des galaxies naines. Elles ne peuvent plus être considérées comme totalement isolées dans les études futures.

Accédez à l’ouvrage “Evidence of ram pressure stripping of WLM, a dwarf galaxy far away from any large host galaxy”, publié dans Astronomy & Astrophysics Letters. https://arxiv.org/pdf/2204.03662.pdf

Collaboration

L’équipe scientifique comprend François Hammer (Observatoire de Paris – PSL, France), Yanbin Yang (Observatoire de Paris et CNRS, France), Roger Ianjamasimanana (Instituto de Astrofísica de Andalucía, Espagne), Clare Higgs (Physics & Astronomy Department, University of Victoria, Canada), Brenda Namumba (Université de Rhodes, Afrique du Sud), Claude Carignan (Université de Montréal & Université du Cap, Afrique du Sud), Gyula I. G. Józsa (Max-Planck-Institut für Radioastronomie, Université de Rhodes, Afrique du Sud), Alan W. McConnachie (NRC Herzberg Astronomy and Astrophysics, Canada)

Figures

Fig. 1: Position de WLM par rapport à la Voie Lactée et à M31 à ~3 millions d’années-lumière.
Fig. 2: Le gaz d’hydrogène neutre (HI) en gris-bleu, superposé sur une image optique. On voit très bien les nuages de gaz arrachés sur la gauche dans le sens inverse du mouvement de la galaxie.

Contact

Claude Carignan
claude.carignan@umontreal.ca