Voir la lumière : le professeur Anthony Moffat et une équipe internationale d’astronomes trouvent une nouvelle façon dont les novæ éclairent le ciel

Une nova, ou stella nova, le mot latin pour « nouvelle étoile », est une explosion qui se produit à la surface d’une étoile. L’explosion produit une quantité incroyable d’énergie entraînant une augmentation de la luminosité de l’étoile de milliers, voire de millions de fois. Parfois, une nova est si brillante qu’elle apparaît comme une nouvelle étoile à l’œil nu, une étoile qui est soudainement là où il n’y en avait pas auparavant. D’où le nom nova.

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Représentation d’artiste de l’explosion d’une nova classique. Source : S. Wiessinger, NASA’s Goddard Space Flight Center.

Ces novæ se produisent à la surface d’étoiles appelées naines blanches faisant partie d’un système binaire, c’est-à-dire deux étoiles en orbite l’une autour de l’autre. L’explication simple du phénomène, est que la naine blanche dépouille graduellement l’étoile compagnon de son enveloppe gazeuse, et que ce matériel s’accumule à sa surface où la densité devient si élevée qu’une fusion nucléaire explosive s’y produit.

Pendant longtemps, les astronomes ont pensé que la combustion nucléaire de matériaux à la surface de la naine blanche alimentait directement toute la lumière de l’explosion, plus récemment, les astronomes ont commencé à débattre du fait que les « chocs » de l’explosion pourraient être la source de la majeure partie de la luminosité.

Aujourd’hui, une équipe internationale de chercheurs, dont fait partie le professeur Anthony Moffat de l’Université de Montréal et du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ), a constaté que ce sont bien les chocs qui causent l’essentiel de la luminosité de la nova. La recherche est détaillée dans un article publié dans la revue Nature Astronomy intitulé « Direct evidence for shock-powered optical emission in a nova. »

« Il s’agit d’une nouvelle façon de comprendre l’origine de la luminosité des novæ et autres explosions stellaires », a déclaré Elias Aydi, chercheur associé au Département de physique et d’astronomie de Michigan State University et auteur principal de l’article. « Nos résultats présentent la première preuve observationnelle directe, à partir d’observations spatiales sans précédent, que les chocs jouent un rôle majeur dans l’alimentation de ces événements. »

Afin de comprendre la nature des chocs et comment ils se forment, il faut imaginer un avion à réaction supersonique; si le jet dépasse la vitesse du son, il produit un choc qui conduit à un boom sonore fort. Dans une explosion de nova, les chocs produisent de la lumière plutôt que du son. Comme l’explique Elias Aydi, lorsque la naine blanche expulse la couche de surface, celle-ci est éjectée en plusieurs phases et à différentes vitesses. Ces éjections entrent en collision et créent des chocs, qui chauffent le matériel éjecté produisant une grande partie de la lumière.

Un autre effet secondaire de ces chocs astronomiques est l’émission de rayons gamma, le type de rayonnement électromagnétique le plus énergétique. Les astronomes ont détecté une émission de rayons gamma en provenance d’une nova, connue sous le nom de nova V906 Carinae (ASASSN-18fv), dont l’explosion dans la constellation de la Carène a été perçue pour la première fois en mars 2018.

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Photographie de la nova V906 (centre-droit de l’image). Source : Franz Hofmann & Wolfgang Paech, Chameleon and Onjala observatory.

En utilisant le « Fermi Gamma-ray Space Telescope » de la NASA, un télescope spatial sensible aux rayons gamma, ils ont montré que V906 Carinae était la source de rayons gamma la plus intense jamais observée pour une nova, prouvant qu’il s’y produisait des chocs énergétiques.

Cependant, la vraie surprise est venue d’un satellite sensible à la lumière du domaine visible à nos yeux – l’un des six nanosatellites qui composent une collection de satellites exploités par un consortium international appelé la constellation BRITE de cube-sats – qui observait la région du ciel où la nova s’est produite. En comparant les données des domaines gamma et visible, les astronomes ont noté que chaque fois qu’il y avait une fluctuation des rayons gamma, la lumière visible de la nova fluctuait également, prouvant ainsi que les chocs sont à l’origine des variations de brillance de l’évènement.

« Je suis particulièrement impressionné par la synergie entre deux approches entièrement différentes pour révéler quelque chose de complètement nouveau, comme ici les chocs corrélés en gamma et visible, avec étonnamment peu de rayons X, tous observés simultanément depuis l’espace », a déclaré le professeur Moffat. « La mission BRITE-Constellation est l’un des projets de satellites astronomiques les moins chers jamais conçus et réalisés pour la première fois par une collaboration entre des astronomes canadiens, autrichiens et polonais, résultant en une découverte inédite, même si elle est fortuite », a-t-il ajouté.

L’équipe estime que V906 Carinae est à environ 13 000 années-lumière de la Terre. Cela signifie que lorsque la nova a été détectée pour la première fois en 2018, elle s’était effectivement produite il y a 13 000 ans.

Cette nouvelle explication pourrait également permettre de mieux comprendre comment de grandes quantités de lumière sont générées dans d’autres événements stellaires, y compris les supernovæ et les fusions stellaires, lorsque deux étoiles entrent en collision.

Lien vers l’article : https://www.nature.com/articles/s41550-020-1070-y

Contact :
Prof. Anthony Moffat
Université de Montréal
moffat@astro.umontreal.ca

Source :
Robert Lamontagne
Responsable des relations avec les médias
Centre de recherche en astrophysique du Québec
Téléphone : (438) 495-3482
lamont@astro.umontreal.ca