Un astronome du CRAQ, Anthony Moffat, aide à retrouver une nova, vieille de 600 ans, observée par les astrologues coréens

Par une froide nuit de mars à Séoul, il y a près de 600 ans, les astrologues coréens ont repéré une nouvelle étoile brillante dans la queue de la constellation du Scorpion. Elle est demeurée visible seulement 14 jours avant de disparaître. À partir de ces documents anciens, des astronomes contemporains ont déterminé que ce que les astrologues royaux ont vu était l’explosion d’une nova, mais ils n’avaient jamais pu trouver le système d’étoiles binaire qui l’avait causé jusqu’à maintenant.

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Image de la nova du 11 mars 1437, redécouverte récemment, et de sa coquille éjectée. L’image a été prise avec le télescope Carnegie SWOPE de 1 mètre au Chili à l’aide d’un filtre qui met en évidence l’hydrogène chaud de la coquille. L’étoile qui a produit la nouvelle coquille est indiquée par des marques rouges; elle est loin du centre de la coquille aujourd’hui. Cependant, la croix rouge « + » indique la position qu’elle devait occuper en en 1437. La position du centre de la coquille en 1437 A.D est la croix verte. L’accord entre les deux démontre que l’ancienne nouvelle de 1437 A.D est vraiment la source de la coquille. © K. Ilkiewicz et J. Mikolajewska

Une nouvelle étude d’une équipe internationale d’astronomes, dont Anthony Moffat de l’Université de Montréal et membre du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ), publiée aujourd’hui par la revue Nature, identifie l’emplacement de l’ancienne nova qui produit maintenant des éruptions à petite échelle connues sous le nom de « nova naine ». La recherche confirme que les novæ passent par un cycle de vie à très long terme après une éruption ; elles deviennent quasi-invisibles pendant des milliers d’années, avant de redevenir des novæ à part entière à nouveau.

« C’est la première nova retrouvée avec certitude sur la base d’archives chinoises, coréennes et japonaises de près de 2 500 ans », a déclaré Michael Shara, l’auteur principal de l’étude, conservateur du Département d’astrophysique du American Museum of Natural History (AMNH).

Une nova est une colossale bombe à hydrogène produite dans un système binaire où une étoile comme notre Soleil est cannibalisée par une naine blanche, une étoile morte. Il faut environ 100 000 ans pour que la naine blanche accumule une couche critique d’hydrogène qu’elle dérobe à sa compagne et, lorsque la couche devient suffisante, elle expulse l’enveloppe de manière explosive, produisant un éclat de lumière qui rend l’étoile jusqu’à 300 000 fois plus lumineuse que le soleil pendant quelques jours à quelques mois.

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Représentation d’artiste d’un système binaire contenant une naine blanche peu de temps après la phase de nova. (Casey Reed/NASA)

Pendant des années, Michael Shara a essayé de repérer l’emplacement de l’étoile binaire qui a produit l’éruption de la nova en 1437, avec l’aide de Richard Stephenson de l’Université de Durham, un spécialiste des anciennes archives astronomiques d’Asie, et de l’astrophysicien Mike Bode, de Liverpool John Moores University. Récemment, ils ont élargi le champ de recherche et retrouvé la coquille de gaz éjectée de la nova classique. Ils ont confirmé la découverte avec une autre archive historique : une plaque photographique de 1923 prise à la station de l’Observatoire de Harvard au Pérou et maintenant disponible en ligne dans le cadre du projet «Digitizing a Sky Century» à Harvard (DASCH).

« Avec cette plaque, nous avons pu déterminer de combien l’étoile s’est déplacée au cours du siècle, depuis que la photo a été prise », a déclaré Michael Shara. « Ensuite, nous l’avons retracé six siècles en arrière, et bingo elle était là, exactement au centre de notre coquille. C’est ce film, joué à rebours, qui nous a convaincu que nous avions raison.

D’autres plaques DASCH des années 1940 nous ont aidé à révéler que ce système est maintenant une nova naine, ce qui montre que les soi-disant « binaires cataclysmiques » – les novæ, les étoiles variables de type nova et les novæ-naines – ne sont qu’un seul et même type d’objet et non plusieurs types d’objets distincts, comme cela a été suggéré précédemment. Après une éruption, une nova devient une variable de type nova, puis une nova-naine, puis, après une éventuelle hibernation, redevient une variable de type nova, puis une nova, et le fait encore et encore, jusqu’à 100 000 fois pendant plusieurs milliards d’années.

« De la même manière qu’un œuf, une chenille, une pupe et un papillon sont tous des étapes de la vie du même organisme, nous avons maintenant des indications qui appuient l’idée que ces systèmes binaires sont toujours les mêmes mais dans différentes phases de leur vie, » affirme Michael Shara. « Le véritable défi dans la compréhension de l’évolution de ces systèmes est que contrairement à regarder la transformation de l’œuf vers le papillon, ce qui peut se produire en un mois seulement, le cycle de vie d’une nova est de centaines de milliers d’années. Nous n’avons tout simplement pas observé assez longtemps pour couvrir un seul cycle complet. La percée nous permet de réconcilier l’archive coréenne de cet évènement, il y a 580 ans, avec la nova-naine et la coquille de gaz de la nova que nous voyons aujourd’hui dans le ciel. »

Cette recherche est basée sur des observations obtenues au télescope du South African Astronomical Observatory (SALT) et sur les télescopes Swope et Dupont de l’Observatoire de Las Campanas au Chili.

Les autres chercheurs ayant participé à cette recherché sont: K. Ilkiewicz, J. Mikolajewska, et K. Drozd de l’Académie des sciences de Pologne ; A. Pagnotta, J. Faherty, et D. Zurek du American Museum of Natural History; L.A. Crause du South African Astronomical Observatory; I. Fuentes-Morales et C. Tappert de l’Instituto de Física y Astronomía; J.E. Grindlay du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics; A.F.J. Moffat de l’Université de Montréal; M.L. Pretorius du South African Astronomical Observatory et de University of Capetown; et L. Schmidtobreick de l’Observatoire européen austral.

L’article dans la revue Nature : https://doi.org/10.1038/nature23644

Source:

Kendra Snyder,
AMNH
Department of Communications
Phone: (212) 496-3419
mksnyder@amnh.org

et

Robert Lamontagne,
Coordonnateur du Centre de recherche en astrophysique du Québec
Tél: (514) 343-6111 p.3195
lamont@astro.umontreal.ca