Habitable ou non? Les astronomes sondent l’exoplanète TRAPPIST-1 d grâce au télescope Webb
Les exoplanètes de la taille de la Terre peuvent-elles être habitables? Une nouvelle étude dirigée par Caroline Piaulet-Ghorayeb, ancienne membre du Centre de recherche en astrophysique du Québec, révèle qu’il est encore trop tôt pour l’affirmer, du moins dans le cas de TRAPPIST-1 d.
Les conclusions de Caroline Piaulet-Ghorayeb et son équipe sont claires : TRAPPIST-1 d, la troisième planète autour de la petite étoile TRAPPIST-1, ne possède pas d’atmosphère semblable à celle de la Terre.
Ce sont des observations menées avec le télescope spatial James Webb qui ont permis aux scientifiques d’en apprendre plus sur la nature de cette planète rocheuse. Malgré sa taille similaire à celle de la Terre et sa position, près de la frontière de la zone tempérée de son étoile (là où l’eau liquide pourrait théoriquement exister), les données montrent que cette planète n’a rien d’une Terre 2.0.
« Ce qu’on veut ultimement savoir, c’est si un environnement comme celui de la Terre peut exister ailleurs, et dans quelles conditions », explique Caroline Piaulet-Ghorayeb, diplômée de l’Université de Montréal et maintenant chercheuse postdoctorale à l’Université de Chicago.
« Le télescope Webb nous permet enfin de poser la question pour des planètes de taille terrestre. Et déjà, on peut rayer TRAPPIST-1 d de la liste des mondes qui pourraient ressembler au nôtre. »
Ce travaux, publiée dans The Astrophysical Journal aujourd’hui, ont été amorcés par la chercheuse durant son doctorat en astrophysique à l’Université de Montréal, au sein de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx) et du Centre de recherche en astrophysique du Québec.
À 40 années-lumière
Le système planétaire de TRAPPIST-1, une étoile naine rouge située à 40 années-lumière de la Terre, a été révélé en 2017. Il détient le record du plus grand nombre de planètes rocheuses de taille terrestre connues en orbite autour d’une seule étoile : sept au total.
TRAPPIST-1 est beaucoup moins lumineuse et beaucoup plus froide que le Soleil. Sa zone tempérée, la région où une planète pourrait conserver de l’eau liquide en surface, se trouve donc beaucoup plus près de l’étoile que dans notre Système solaire.
La planète TRAPPIST-1 d se trouve à seulement deux pour cent de la distance qui sépare la Terre du Soleil et complète une orbite entière autour de son étoile à chaque quatre jours terrestres (alors que la Terre le fait en 365). Elle est juste assez loin pour être dans cette zone, parfois dite “habitable”.
Avec le spectrographe infrarouge NIRSpec du télescope James Webb, l’équipe d’astronomes n’a pas détecter sur TRAPPIST-1 d de molécules comme l’eau, le méthane ou le dioxyde de carbone, qui sont abondantes dans l’atmosphère de la Terre.
Les scientifiques ont également écarté la possibilité d’une atmosphère riche en méthane que l’on retrouve pourtant sur les corps rocheux du Système solaire comme Titan, une lune de Saturne.
Selon Caroline Piaulet-Ghorayeb, d’autres scénarios restent à étudier :
« Il y plusieurs raisons qui peuvent expliquer pourquoi nous n’avons pas détecté d’atmosphère autour de TRAPPIST-1 d, dit-t-elle. Cette planète pourrait avoir une atmosphère extrêmement ténue, difficile à détecter, un peu comme Mars. Elle pourrait aussi, à l’instar de Vénus, être enveloppée de nuages très épais et en haute altitude, qui bloquent la signature de certains gaz. Ou encore, cette planète pourrait être complètement dépourvue d’atmosphère. »
Une étoile turbulente
Ce n’est pas facile d’être une planète en orbite autour d’une naine rouge comme TRAPPIST-1. Cette étoile est connue pour être très active, ce qui complique passablement l’étude de ses planètes, tel que démontré en 2023 par une étude menée par Olivia Lim, doctorante à l’IREx. L’étoile émet fréquemment des éruptions très énergétiques, capables de souffler l’atmosphère de ses petites planètes, surtout celles qui se trouvent près d’elle.
Les scientifiques persistent toutefois à chercher des traces d’atmosphère autour des planètes de ce système, car les étoiles naines rouges sont les plus abondantes dans notre Galaxie. Si on peut prouver que des planètes parviennent à garder leur atmosphère malgré ces conditions hostiles, cela ouvrira la porte à la possibilité d’environnements habitables ailleurs, dans des contextes plus favorables.
« Les instruments infrarouges sensibles du télescope Webb nous permettent pour la première fois d’examiner l’atmosphère de ces petites planètes plus froides », explique Björn Benneke, membre du Centre de recherche en astrophysique du Québec et coauteur de l’étude. « On commence à peine, grâce aux instruments sophistiqués de Webb, à explorer les atmosphères de ces planètes, pour comprendre lesquelles peuvent garder leur atmosphère, et lesquelles en sont incapables. »
D’autres planètes à étudier
Les observations avec Webb se poursuivent pour les planètes e, f, g et h, les plus éloignées de TRAPPIST-1. Elles représentent des cibles prometteuses, mais elles posent aussi plusieurs défis aux observateurs. D’un côté, selon Björn Benneke, ces planètes ont de meilleures chances d’avoir des atmosphères, parce qu’elles sont plus éloignées de leur étoile active. Cependant, cette même distance rendra leurs signatures atmosphériques plus difficiles à détecter avec les instruments infrarouges de Webb.
« Il ne faut pas perdre espoir de trouver des atmosphères autour des autres planètes de TRAPPIST-1 », conclut Caroline Piaulet-Ghorayeb. « Même si on n’a pas trouvé de signature atmosphérique forte sur TRAPPIST-1 d, il est encore possible que les planètes plus éloignées contiennent de l’eau ou certains éléments dans leur atmosphère qui nous informeraient sur leur habitabilité. »
Pour en savoir plus
L’article « Strict limits on potential secondary atmospheres on the temperate rocky exo-Earth TRAPPIST-1 d » est publié aujourd’hui dans la revue The Astrophysical Journal (version open-source ici). En plus de Caroline Piaulet-Ghorayeb et Björn Benneke, l’équipe comprend Keavin Moore, Pierre-Alexis Roy, Olivia Lim, René Doyon, Loïc Albert, Michael Radica (aujourd’hui à l’Université de Chicago), Louis-Philippe Coulombe, David Lafrenière, Nicolas B. Cowan, Alexandrine L’Heureux, Romain Allart, Lisa Dang (aujourd’hui à l’Université de Waterloo), Stefan Pelletier (aujourd’hui à l’Université de Genève) et Jason F. Rowe du Centre de recherche en astrophysique du Québec, les trois élèves qui étaient mentorées par Caroline Piaulet-Ghorayeb dans le cadre d’InitiaSciences, et six autres co-auteurs du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la France.
Le télescope James Webb est le télescope spatial le plus puissant jamais construit. Fruit d’une collaboration internationale entre la NASA, l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence spatiale canadienne (ASC), il est utilisé par des astronomes du monde entier.
Personnes-ressources pour les médias
Frédérique Baron
Centre de recherche en astrophysique du Québec
frederique.baron@umontreal.ca
Contact scientifique
Caroline Piaulet-Ghorayeb
Margaret Burbridge fellow
Université de Chicago
438-499-2240; carolinepiaulet@uchicago.edu
Liens
L’article scientifique dans The Astrophysical Journal (à venir)
L’article scientifique (Version open source)
Communiqué de presse de STScI (à venir)
Communiqué de presse de l’Université de Chicago (à venir)
Communiqué de presse de l’Université de Montréal (à venir)
Multimédia
Représentation artistique de TRAPPIST-1 d passant devant son étoile turbulente, avec d’autres membres du système planétaire en arrière-plan. Crédit : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI). 2560 by 1440 pixels. Image originale : STScI-01K0FMRWRRYVBVFYG4J4W8ZMSV.jpg