Une nouvelle étoile dans le ciel

Les satellites BRITE-Constellation ont observé l’explosion d’une nova dans la constellation de la Carène (hémisphère sud) avec une résolution temporelle sans précédent

Le 22 mars 2018, Rainer Kuschnig, directeur des opérations de BRITE-Constellation à l’Université de technologie de Graz en Autriche, a été très surpris lors de sa vérification quotidienne des cinq nano-satellites. Dans une des sous-images de BRITE, une seconde étoile qui n’était pas là la veille était apparue soudainement et elle devenait plus brillante de jour en jour. « Au cours des cinq dernières années, j’ai vu des millions de photos prises par nos satellites, mais je n’ai jamais rien vu de tel ! », a déclaré Rainer Kuschnig. Il a immédiatement informé l’équipe scientifique de BRITE dont les professeurs Anthony Moffat et Nicole St-Louis, tous deux de l’Université de Montréal et membres du Centre de recherche en astrophysique du Québec (CRAQ). Une recherche sur la toile a mené à une annonce indépendante grâce au sondage « All Sky Automated Survey for Supernovae (ASASSN) » selon lequel une nouvelle étoile avait été identifiée comme une nova et nommée « ASASSN-18fv » ou plus élégamment « Nova Carinae 2018 ».

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Figure 1. Images BRITE (a) cliché du 1er mars 2018 avec uniquement la géante rouge HD 92063 et (b) cliché du 14 avril 2018 avec HD 92063 et Nova Carinae 2018 (ASASSN-18fv).
Que s’est-il passé ?
BRITE-Constellation effectuait des observations dans la constellation de la Carène. Lors de la mission, qui avait débuté en février 2018, l’une des 18 étoiles brillantes de ce champ, l’étoile géante rouge HD 92063, semblait présenter d’importants et d’inhabituels changements de luminosité (voir la figure 1 à gauche). À une séparation angulaire de seulement deux minutes d’arc (à titre comparatif, la Lune fait 30 minutes d’arc sur le ciel) de l’étoile géante rouge, une nova est apparue de façon inattendue sur le détecteur, un mois après le début de la session d’observation de la Carène. La luminosité de la nova a rapidement augmenté (voir la figure 1, à droite).

Une nova, ou plus exactement une nova classique, est un phénomène astronomique transient où, de manière inattendue et soudaine, une étoile brillante, apparemment nouvelle, apparaît dans le ciel. Le phénomène gagne d’abord en luminosité, puis s’estompe lentement pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Les précurseurs de toutes les novas observées sont toujours des systèmes binaires formés de deux étoiles très proches, en orbite mutuelle. Cela entraîne un écoulement de matière d’une étoile à l’autre (figure 2). Dans le cas d’une nova classique comme Nova Carinae 2018, il s’agit d’une étoile de type naine blanche très compacte qui accrète la matière de son compagnon, une étoile normale. Lorsque suffisamment de matière est accumulée, il se produit une explosion nucléaire à la surface de la naine blanche, qui devient alors beaucoup plus lumineuse que les deux étoiles précurseurs.

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Figure 2. Représentation artistique de l’explosion d’une nova (Copyright: K. Ulaczyk, Observatoire de l’Université de Varsovie).

Normalement, les novas sont découvertes par des observatoires au sol, à l’aide d’instruments spécialement conçus, et sont observées seulement quelques fois par nuit. Ce n’est que lorsque plusieurs stations signalent la découverte que les observations commencent à être reprises par des instruments plus sensibles, tant sur Terre que dans l’espace. Souvent, deux à trois semaines se seront écoulées après l’explosion de la nova. Cela signifie que les premières phases volatiles d’une nova sont observées avec une fréquence et une précision insuffisantes. Or, ce sont précisément ces premières étapes qui sont particulièrement importantes pour comprendre le phénomène nova.

Cependant, dans le cas de la Nova Carinae 2018, les satellites de BRITE-Constellation ont observé le développement de la nova : l’explosion initiale, le maximum de luminosité et les phases finales – le tout avec une résolution temporelle et une précision sans précédent pendant un total de 150 jours (voir Figure 3). Ceci fournit une occasion unique aux experts dans ce domaine de recherche d’étudier les étapes initiales, si cruciales, d’une explosion de nova et de fournir ainsi une base théorique plus ferme pour leur compréhension.

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Figure 3. Mesures de luminosité obtenues par BRITE-Constellation de la Nova Carinae 2018 (ASASSN-18fv).

À propos de BRITE-Constellation

BRITE-Constellation (http://www.brite-constellation.at) est une flotte de cinq nano-satellites fonctionnels qui capturent avec une grande précision la lumière des étoiles les plus brillantes du ciel. BRITE est un concept initialement conçu et construit au Canada, qui est l’un des trois pays qui fournissent des satellites à la constellation. L’Autriche a lancé les deux premiers satellites (Uni-BRITE et BRITE-Austria = TUGSAT-1), le 25 février 2013, en tant que tout premiers satellites de ce pays sur une orbite proche de la Terre à environ 800 km d’altitude. Quatre autres satellites identiques ont ensuite été lancés sur des orbites similaires mais distinctes par le Canada (BRITE-Toronto et BRITE-Montréal, ce dernier n’atteignant malheureusement pas sa propre orbite) et par la Pologne (BRITE-Lem et BRITE Heveliusz), au milieu de 2014. Depuis lors, BRITE-Constellation a observé plus de 550 étoiles de magnitude visuelle apparente allant de 0 à 6, soit la limite des étoiles visibles à l’œil nu depuis le sol dans d’excellentes conditions d’observation. Dans chaque champ de 24 degrés carrés, une zone aussi grande que toute la constellation d’Orion, typiquement 15 à 20 étoiles sont observées de manière continue pendant environ six mois.

Contact :
Prof. Anthony Moffat
Université de Montréal
moffat@astro.umontreal.ca

Source :
Robert Lamontagne
Responsable des relations avec les médias
Centre de recherche en astrophysique du Québec
Téléphone : (438) 495-3482
lamont@astro.umontreal.ca